Qu’est-ce qui pousse un homme de culture à devenir diariste ? Sans doute à l’origine le désir d’imprimer sa marque dans le cours de l’époque ou de sa génération, noter le fil de sa réflexion sur sa propre histoire et sa vision de la société, enfin et surtout lutter contre le temps en laissant une trace. Formé par les journaux de Gide et les grands moralistes du 17 et 18e siècle, l’auteur a voulu aussi se lancer un défi, celui de rejoindre le « contemporain capital » sur le chemin de la lucidité, exercer son talent de scrutateur d’un monde qui le surprend par son étrangeté, ou l’amuse, ou l’indigne. Enfin - et c’est peut-être le principal souci du journal - a-t-il souhaité tout simplement s’exprimer : « Le style, c’est l’homme », et ce n’est pas un des moindres plaisirs de cette lecture que de laisser deviner derrière les remarques incisives de l’auteur l’expression d’une conscience farouchement éprise de son indépendance et de ses valeurs.

Robert GILLES